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François d’Assise et la famille franciscaine

(Photo: Dans une rue d’Assise – Crédit: Jean-Louis Malenfant – Texte Marjolaine Jolicoeur)- Décrire la vie de François, c’est se perdre dans les dédales d’Assise où il est né en 1181. Difficile de ne pas tomber sous le charme de cette petite cité médiévale édifiée sur une colline, au cœur des beautés de l’Ombrie. D’un passé très ancien, on y retrouve un temple dédié à Minerve, déesse de la sagesse et de l’intelligence, érigé au 1er siècle av. J.-C.

Avec son patrimoine historique et culturel très riche, c’est la deuxième ville la plus visitée en Italie  après Rome  avec 6 millions de voyageurs annuellement. L’auteure de ces lignes, l’ayant visité à deux reprises, peut témoigner que la présence de François est toujours palpable au détour des ruelles, des jardins, des églises et des œuvres d’art.

De nos jours, avec notre compréhension moderne, François est un personnage complexe, exalté, un mystique à la limite du dérèglement de la pensée. Il parle avec les animaux et va même jusqu’à prêcher complètement nu.

Celui qu’on surnommera le Poverello (le petit pauvre) est pourtant né dans une famille aisée de marchands de tissus. Sa jeunesse est marquée par les chansons des troubadours en compagnie de jeunes gens riches. Dans une Italie divisée par les guerres, il apprend le maniement des armes, veut devenir chevalier.

Il participe à une guerre avec Perugia, une ville voisine où il est fait prisonnier. Après deux ans de captivité, il tombe malade et on le libère. À l’âge de 23 ans, des songes et une voix intérieure l’entraînent dans une recherche du sens de la vie. Sa rencontre d’un lépreux qu’il embrasse change son existence. Il devient ermite puis se donne comme mission de réparer les églises en ruines.

Afin de trouver l’argent nécessaire pour rénover une petite chapelle, il vend des draps au marché. On le prend pour un fou. Son père, furieux, l’enferme dans une cave pendant plusieurs jours. Sa mère le libère, mais son père le traîne devant l’évêque. François se déshabille alors entièrement devant la foule comme pour symboliser qu’en se dépouillant de ses vêtements, il renonce à toute richesse.

Par la suite, il contestera l’ordre social basé sur l’argent et les privilèges des plus riches, mettant de l’avant de façon absolue la paix et la non-violence.

D’autres jeunes gens se joignent à lui, et ces « pénitents d’Assise » partagent ensemble une vie de prédicateurs itinérants. Ils se qualifient de « frères mineurs », de « tout petits », comme pour se mettre au niveau des plus démunis. Leur pauvreté tranche radicalement avec l’extrême richesse de l’église catholique du temps où le clergé n’incarne pas toujours ce qu’il prêche. François va par les routes avec ses frères en mendiant, prêchant autant aux humains qu’aux animaux.

Le Cantique des créatures

Selon Tommaso da Celano, en parlant de François : « Il était rempli de l’esprit de charité, il était ému de pitié jusqu’aux entrailles non seulement devant les hommes dans le besoin, mais encore devant les animaux sans voix et sans raison, les reptiles, les oiseaux et les autres créatures sensibles ou insensibles. »

Il prêche aux hirondelles, apprivoise les colombes. Un grillon chante quand il le lui demande et un féroce loup s’apprivoise à son contact. Un jour, François croise un paysan qui amenait deux agneaux au marché pour les vendre. Ne pouvant supporter qu’ils finissent à l’abattoir, il donne son manteau pour les racheter. On raconte que pendant longtemps, un agneau apprivoisé l’a suivi partout, même dans l’église où son bêlement accompagnait le chant des frères. Une autre fois, il libère un jeune lièvre pris dans un piège et remet à l’eau un poisson qu’on lui avait offert.

Dans son Cantique des créatures (ou du soleil), composé peu avant sa mort, François invite au respect de notre sœur la Lune, de notre frère le Soleil, de notre mère la Terre. C’est un fervent appel pour une écologie intégrale, une conception inspirée de l’interdépendance de tous les êtres vivants.

C’est le 4 octobre, jour de la canonisation de François, qu’a lieu chaque année la Journée mondiale des animaux. Décrétée par l’Organisation des Nations Unies, elle marque l’importance de la protection et des droits des animaux. Lors de cette journée, partout dans le monde, des églises ouvrent leurs portes à nos compagnons animaux, chat ou chien, afin de les bénir.

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La famille franciscaine regroupe une grande diversité d’hommes et de femmes : les Frères mineurs ou les Franciscains, les Capucins, les Clarisses (religieuses contemplatives issues de l’enseignement de sainte Claire d’Assise, une disciple de François), de multiples congrégations de sœurs franciscaines ainsi que des laïcs célibataires ou mariés.

  Père Gilles Frigon

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Le message de  François est-il toujours d’actualité? Des membres de la famille franciscaine répondent oui sans hésiter à cette question.

« Le message de François est toujours vivant. C’est un modèle d’accueil des autres, de pardon, de compassion, de miséricorde envers son prochain », assure le père Gilles Frigon, un capucin qui a œuvré pendant près de 15 ans comme curé de six paroisses du Bas-Saint-Laurent, dont Saint-Paul-de-la-Croix et L’Isle-Verte.

Il était curé de cette paroisse le 23 janvier 2014 lorsqu’un dramatique incendie a détruit la Résidence du Havre de L’Isle-Verte, causant 32 décès. Pour le père Frigon, il a fallu accueillir et partager la douleur de ses paroissiens, mais aussi tenter de trouver un sens à cette tragédie : « Ces drames nous ramènent à notre finitude. La vie sur terre est courte, nous ne sommes que de passage. Il faut en prendre conscience. »

À l’image de François, les Capucins prononcent des vœux de chasteté, d’obéissance et de pauvreté. Ils vivent en communauté, mais s’investissent aussi dans le monde : en enseignement, avec les Alcooliques Anonymes, auprès des prisonniers ou dans des soupes populaires.

« François vivait parmi les plus pauvres et les plus démunis. Il avait du respect pour toute la Création parce qu’elle est née du cœur d’amour de Dieu », lance le frère Gilles Frigon, entré chez les Capucins il y a 25 ans.

Alors, en période de ressourcement à Cacouna, c’est à cette époque qu’il commence à travailler comme curé. Avant, il a aidé les jeunes de la rue dans le quartier Saint-Roch à Québec.

À propos de la situation actuelle de l’Église catholique, du désengagement des fidèles, il est fort lucide. La foi se vit maintenant autrement, dit-il. Elle peut se manifester de diverses façons, hors d’un lieu de culte,   comme par exemple avec des actes de solidarité envers les plus défavorisés.

Conscient des critiques adressées au Vatican, il croit cependant qu’on ne devrait pas s’acharner uniquement sur les côtés négatifs de l’église. « C’est des humains qui composent cette église, et les humains ne sont pas parfaits. On doit aussi voir les aspects positifs. La foi chrétienne fait partie de notre patrimoine et de notre histoire. C’est le message de justice et d’amour de l’Évangile qui est primordial. »

Le père Gilles Frigon réside présentement dans un monastère appartenant aux Capucins qui est intégré au Sanctuaire du Sacré-Cœur et de saint Padre Pio, un lieu de pèlerinage à Montréal.

Jean-Sébastien Lajoie

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Jean-Sébastien Lajoie est marié et père d’un enfant. Il est animateur jeunesse pour la famille franciscaine lors de diverses activités pour des jeunes âgés de 18 à 35 ans, partout au Québec. Il a toujours été intéressé, intrigué, fasciné par François « qui a répondu à l’amour de Dieu d’une manière si absolue », en soulignant que lui aussi, plus jeune, a vécu une recherche du sens à donner à sa vie.

En quoi François le touche lui et ces jeunes représentés autant par des hommes que des femmes? « Il a quelque chose à nous dire sur les valeurs chrétiennes, le retour à l’essentiel, la simplicité volontaire. Dans notre monde de surconsommation, l’attachement aux biens matériels et l’argent comblent souvent un vide intérieur. Être en paix avec soi-même et les autres, cela demeure important. »

François est le saint patron de l’Italie, mais il a aussi été proclamé par le Vatican « patron céleste des écologistes ».

« Pour notre planète aux prises avec de graves problèmes environnementaux, son message est on ne peut plus actuel, poursuit Jean-Sébastien. François voyait toutes les créatures vivantes comme des frères et des sœurs. Si, comme lui, on transforme notre regard sur la Création, tout devient différent. Nous ne sommes plus dans une notion d’utilitarisme, mais de collaboration. La domination disparaît pour faire place à une fraternité universelle. »

Richard Chartier

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« Au début de la vingtaine, après la mort de mon père, je me posais beaucoup de questions sur mon existence, j’étais dans une recherche spirituelle. Je suis tombé par hasard sur un livre d’Éloi Leclerc sur François d’Assise. La description, souvent poétique, de sa proximité avec la nature et de sa préoccupation pour les animaux m’a beaucoup rejoint », explique Richard Chartier, franciscain séculier depuis près de 27 ans, actuellement directeur du bureau des Missions des Franciscains de l’est du Canada et rédacteur en chef de la revue Missions des Franciscains.

« Pour François, Dieu se retrouve dans tous les êtres, dans toute la Création. Dans la spiritualité franciscaine, le respect de la vie doit transcender toute notre pensée. Respecter l’intégrité des humains, mais aussi celle des animaux, des plantes, de la planète. Profond comme idée, mais pas toujours facile à appliquer! »

Richard Chartier cite la célèbre histoire de François et du loup de Gobbio pour illustrer la modernité du message du saint d’Assise dans un monde déchiré par la violence et les guerres : « Je l’utilise souvent en animation pastorale avec les enfants. Elle parle de rencontre avec l’autre, que la réconciliation est possible par un changement d’attitude. Symboliquement, cette histoire peut aussi s’appliquer à cette crainte que certains ressentent envers les migrants, les étrangers, comme si la différence faisait peur ou qu’elle était synonyme de danger. »

Une histoire de loup

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Un loup méchant et féroce terrorisait le village de Gobbio, dévorant les animaux et les humains. Les villageois se terrent dans leurs maisons, ne quittant les remparts que solidement armés pour se rendre travailler dans les champs. François décide de partir à la recherche du monstre, malgré les craintes des villageois pour sa sécurité.

À son approche, alors que le loup s’apprête à bondir sur lui, il lui parle longuement en l’appelant « mon frère loup ». Il lui assure qu’il ne souffrira plus de la faim, à la condition qu’il n’attaque plus jamais personne. Le loup accepte, et pour sceller leur pacte, il soulève sa patte et la pose dans la main de François. Un geste qu’il fera une seconde fois lorsque François prêcha sa cause devant la population rassemblée.

À compter de ce jour, le loup n’attaqua plus personne. Il entrait et sortait librement des maisons de Gobbio où on le nourrissait. Mort de vieillesse deux ans plus tard, sa disparition causa beaucoup de chagrin aux villageois, car chaque fois qu’ils le voyaient, ils se souvenaient du message de compassion et de paix de François.

 

 

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802 Assise 3 (2) [7]Crédit photos: Jean-Louis Malenfant

 

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