NDLR-L’Horizon des Basques publie une lettre ouverte cosignée par 10 mairesses et maires du Québec, dont le maire de Trois-Pistoles, Philippe Guilbert, à propos de la Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire.
Sept mois se sont écoulés depuis les élections municipales. Mairesses et maires de différentes régions, nous sommes nombreux, sous l’impulsion de nos citoyens, à souhaiter un meilleur modèle de développement de nos villes et de nos villages. Nous adhérons aux principes de la vision 2042 présentée lundi dans le cadre de la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire, et nous attendons impatiemment les moyens. Les défis pressants auxquels font face nos milieux de vie commandent une mise en oeuvre ambitieuse et rigoureuse, et ce rapidement.
L’éparpillement augmente le coût de la vie
Récemment, on a beaucoup fait état de l’étalement urbain et de la pression créée sur la nature, les terres agricoles et les ressources telles que l’eau. Si elle peut sembler l’apanage des grands centres, la réalité de l’éparpillement existe dans toutes les régions. Faute jusqu’ici d’une vision cohérente et de l’application de principes durables d’aménagement, elle vient avec des coûts difficilement soutenables.
À l’égard des instances municipales, l’éparpillement des activités accroît la quantité d’infrastructures publiques nécessaire et augmente les coûts des services municipaux, et ce plus rapidement que la croissance de la population. L’éparpillement est aussi douloureux pour le portefeuille citoyen, particulièrement pour les ménages qui parcourent de grandes distances quotidiennement faute d’alternatives.
Le développement étalé tel que pratiqué depuis des décennies limite le nombre d’habitations disponibles à proximité des services, alors que l’augmentation de l’offre de logements dans les quartiers existants (la fameuse densification!) contribue à rééquilibrer le marché à la faveur des acheteurs.
L’État doit encourager les bonnes pratiques et montrer l’exemple
Il n’existe pas de solution miracle à la pénurie d’habitations. Il faut cependant mettre en place les conditions nécessaires à la construction de beaucoup de logements et à une offre plus diversifiée, pour répondre aux besoins de tous, peu importe le revenu, l’âge ou le type de ménage. Pensons simplement au vieillissement de la population qui exige de revoir nos façons de faire.
Pour y parvenir, la consolidation et l’amélioration de la qualité des milieux déjà bâtis doivent devenir notre priorité. Le Québec doit se doter de meilleures règles communes, d’outils adaptés et d’incitatifs financiers. Les réformes promises en matière d’expropriation et de préemption sont de bon augure.
Les incitatifs à un aménagement durable sont trop peu nombreux et la capacité d’y arriver fait structurellement défaut. Pour consolider nos villes et nos villages, le plan de mise en oeuvre devra prévoir dès 2023 des investissements d’au moins 100 M$ par année pour appuyer les
projets d’aménagement et d’urbanisme durables, en plus d’une stratégie gouvernementale pour la vitalité des centres-villes et noyaux villageois.
Le gouvernement du Québec doit devenir un porte-étendard des bonnes pratiques d’aménagement et d’urbanisme. Il doit communiquer aux citoyens la vision et les solutions désirables en s’appuyant sur des données qui permettent de mieux appréhender les retombées. Il doit encourager une participation plus active de nos concitoyens tout en les sensibilisant aux défis auxquels nous faisons face.
Également, l’État québécois doit faire preuve d’exemplarité dans la localisation des édifices publics pour favoriser leur proximité et leur accessibilité. Aujourd’hui, moins d’un enfant sur trois se rend à l’école à pied ou à vélo, alors qu’ils étaient majoritaires à le faire il y a à peine quelques décennies.
Développer durablement nos régions
Avec la Politique nationale, donnons-nous une vision d’avenir, cohérente de la Gaspésie à l’Abitibi en passant par les grands centres. Fondons ce projet collectif sur les forces et les beautés de nos régions. Disons non à l’homogénéité et à la banalisation des paysages, oui à l’innovation, à la valorisation de tout ce qui fait l’originalité de nos communautés.
La requalification des ensembles patrimoniaux et la décontamination de terrains sont des occasions en or de revitalisation. Les zones d’innovations économiques, en déploiement, devraient devenir des modèles d’aménagement durable. Travaillons à cultiver le charme et la résilience de nos collectivités, pour qu’on chérisse notre territoire toute l’année, pas seulement pendant les vacances de la construction!
Mieux aménager et bâtir autrement exigera certes des réflexes différents : protéger et valoriser nos patrimoines agricoles, naturels et paysagers. Restaurer et mettre en valeur le bâti avec un financement pérenne et prévisible. Mieux protéger la biodiversité dans le sud du Québec, soutenir la renaturalisation de terrains et offrir un meilleur accès aux espaces verts. Développer les infrastructures de transport actif et collectif. Consolider en priorité nos coeurs de collectivités pour en assurer la vitalité et préserver les commerces et services de proximité.
Nos municipalités, leurs élus, les professionnels et les citoyens sont prêts à une action concertée pour mieux aménager le territoire. Le gouvernement élu cet automne devra rapidement mettre en oeuvre la Politique, avec des mesures ambitieuses et des ressources conséquentes, afin de nous donner, mairesses et maires, les moyens d’agir et d’être un modèle de cohérence.
Signataires
Alexandra Labbé, mairesse de Chambly
Julie Bourdon, mairesse de Granby
Guy Caron, maire de Rimouski
Geneviève Dubois, mairesse de Nicolet
Mathieu Maisonneuve maire de Saint-Lin-Laurentides
Philôme La France, maire de Petit-Saguenay
Stéphanie Lacoste, mairesse de Drummondville
Isabelle Perreault, mairesse de Saint-Alphonse-Rodriguez
Sébastien Marcil, maire Saint-Roch-de-l’Achigan
Philippe Guilbert, maire de Trois-Pistoles
Photo: Le maire de Trois-Pistoles, Philippe Guilbert. (Photo Alexandre D’Astous)